Il est une réflexion que je me suis longtemps faite, et je me suis aperçue qu'une amie thérapeute en était là aussi. 

Je pense que l'homme et la femme ne sont pas faits pour vivre ensemble. 

La société nous impose implicitement ce schéma, il est vrai. Et autrefois, il était par ailleurs difficile d'envisager les choses autrement. 

Pas plus tard qu'hier, nos élèves definissaient une vie réussie comme celle où tu t'es marié, as acheté ta maison et fait des enfants (Je suis ravie d'apprendre que, selon leurs critères, j'ai raté ma vie...!!). 

C'est également difficile de vivre séparément dans le cadre de l'éducation d'enfants, où l'on peut comprendre l'intérêt du foyer avec papa maman, et chacun jouant un rôle et apportant sa pierre à l'édifice. 

Maintenant, lorsqu'on n'a pas d'enfants, ou chacun ses enfants, à quoi bon vivre ensemble ? (surtout quand chacun a ses enfants d'ailleurs, car ça peut être une source supplémentaire de conflits et désaccords au quotidien !). 

Vivre ensemble, je l'ai fait plusieurs fois. Ça m'a foutu en l'air plusieurs couples. Mais certainement aussi que ce fut l'épreuve qui nous a permis d'y voir clair et de réaliser que nous ne nous aimions pas assez. 

Je reste pourtant intimement persuadée que, au delà du "test", c'est vraiment un risque, et que même un couple très amoureux peut se mettre en danger avec le quotidien. Et qu'il est possible que certaines de mes vies communes auraient pu faire des relations epanouies sur du plus long terme, dans un autre contexte. 

Le quotidien... Laver son linge sale ensemble (ou lui laver son linge sale toute seule !), négocier le choix du film chaque soir a la tv (surtout si l'on vit avec quelqu'un qui acceptera mal le fait que chacun regarde son programme favori sur un ecran différent), s'obliger à se mettre à table (pardon, à avoir faim !) au même moment, et accessoirement à avoir faim du même plat (fini les légumes vapeur et bonjour les kilos, si l'on n'a pas trop envie de cuisiner un plat pour monsieur et d'autres choses pour madame!), se retrouver à faire l'amour entre la nuit et le jour à 6h du matin parce que monsieur a envie le matin, et s'endormir frustrée le soir parce que monsieur ronfle déjà (ou l'inverse avec monsieur frustré, ça fonctionne aussi !), subir ensuite les ronflements de monsieur chaque nuit (surtout s'il est délicat de faire accepter qu'on peut avoir besoin, pour préserver sa santé, de dormir dans une autre pièce !), choisir entre un salon de la moto et un salon de la déco le dimanche, passer ses vacances avec ses enfants, ou avec TOUS les enfants et donc double - triple - quadruple boulot... Etc. Etc. Etc. 

Ça casse la magie, tout ça.

Si tu idealisais ton cher et tendre, le voir la gueule enfarinée  au réveil, haleine de bouc, ramassage de chaussettes pourries, et règlement des factures + paperasse commune ET masculine (parce que monsieur, les papiers, il en a la phobie !), en plus de la récolte de ses problèmes qui s'ajoutent aux tiens le cas échéant, ça casse l'ambiance. 

Partager le quotidien, c'est partager les moments délicats et difficiles, et certes c'est une preuve d'amour...qui le met à l'épreuve. 

A mesure que le temps passe, tu vois davantage de défauts et idealises de moins en moins ton homme.  Tu commences à ne plus supporter ses raleries, son bordelisme, ou encore sa procrastination. Et tant d'autres choses. Parce qu'on a tous des défauts, mais qu'on n'est pas forcément obligés de les faire subir à l'autre au quotidien.

Au risque de lui faire oublier qu'on a aussi des qualités. 

Pour aimer, on a besoin d'idealiser. On a aussi besoin de partager des moments forts et positifs. 

Pour les moments forts, j'ai donné. Par contre, positifs ?! A revoir... 

Pour aimer sur le long terme, on a aussi besoin d'être rassuré sur le tempérament, le fonctionnement de l'autre, qui doit impérativement adhérer au nôtre, faute de quoi, le décalage va grandir jour après jour et devenir de plus en plus gênant, anxiogène, pénible. 

Nous sommes différents, en tant qu'individus. S'imposer la vie commune, c'est s'imposer de renoncer à une partie de notre individualité, ce qui fait partie des concessions dites normales mais qui deviennent souvent frustrantes ou destructrices. 

Soit l'un des deux renonce à soi-même, soit chacun cherche à préserver son individualité et le clash a des chances de survenir. Renonciation ou conflit. 

C'est ainsi qu'on voit des couples ensemble depuis 20 ans, avec l'un des deux, si ce n'est les deux, qui n'est pas soi même, qui est effacé, qui ne vit pas comme il l'entendrait. 

C'est ainsi, aussi, qu'on voit des couples se séparer après autant d'années. Ras le bol de la renonciation. Envie de vivre sa vie. D'être soi. 

Au delà de l'individu, il y a l'homme et la femme. 

Faire correspondre leurs attentes et modes de fonctionnement relève aussi du défi. Parce que, n'en déplaise à certains, l'homme et la femme sont différents. Tout oppose, ou presque, mars et venus. Et la communication, la compréhension des réactions de l'autre, peut devenir lourde à plus ou moins long terme. 

La femme se prend la tête, l'homme est trop cool. 

La femme veut parler, l'homme veut qu'on lui foute la paix. 

La femme organise et planifie, l'homme ne veut rien prévoir. 

La femme remplit et renvoie les papiers, l'homme les perd et/ou les oublie. 

C'est schématisé, et ce n'est pas toujours vrai, bien sûr. Les rôles peuvent etre inversés. Les oppositions et différences peuvent se jouer à d'autres niveaux. Mais toujours est il qu'il devient difficile de faire coller tout ça sans heurts au fil des années. 

Je pense que vivre avec quelqu'un, c'est prendre le risque de ne plus avoir sa propre individualité, de s'effacer ou de s'imposer, de vivre par et pour l'autre uniquement, de se chamailler sur des conneries qui deviennent progressivement sources de frustrations, puis de conflits plus graves, de ne plus paraître la plus belle comme il ne paraît plus être l'homme idéal, de voir peu à peu plus de défauts que de qualités du fait que l'on partage tous les moments de fatigue, de doutes, et les tracas du quotidien. 

Alors qu'on pourrait simplement être un couple qui partage des bons moments, qui sort, qui vit, qui respecte chacun l'individualité et le fonctionnement de l'autre. Un couple qui se soutient aussi, bien sûr, mais sans que l'essence du couple ne devienne le soutien dans les tracas du quotidien. L'essence du couple resterait l'amour et le partage. Les instants de bonheur ou les conversations qui font du bien quand ça ne va pas. Sans que ces conversations ne dégénèrent en discussions houleuses ou ne deviennent quotidiennes. Sans que la vie de l'un ne prenne le pas sur celle de l'autre. 

Mon amie thérapeute m'a confié qu'après avoir fait des thérapies de couples pendant 20 ans, elle en est arrivée à la même conclusion : l'homme et la femme ne sont pas faits pour vivre ensemble. La vie de couple les conduit forcément à l'échec, ou à la renonciation. Il y a toujours au moins un malheureux, sinon deux. 

J'ai plusieurs amies qui ont décidé de ne pas vivre avec leurs petits amis, dont une depuis 10 ans. Ils sont très heureux. Ils sont fidèles, ils se voient les week-ends, certains soirs de semaine, mais chacun chez soi. Madame ne fait pas la popote pour monsieur. Monsieur s'occupe de lui comme un grand. Madame lui sert non pas de maman de substitution, mais vraiment de compagne, avec qui partager des choses très banales comme une soirée canapé ou moins banales comme un séjour à Rome. Ils sont très amoureux, et ils sont même restés romantiques. Appréciant chaque moment partagé, appréciant de se retrouver à chaque fois. Et s'occupant de leur quotidien par eux-mêmes le reste du temps, même si madame conseille ou aide monsieur quand il a besoin de son regard avisé et que monsieur lui bricole deux trois trucs à la maison quand elle a besoin d'une aide physique. Pas de frustrations. Pas de sentiment de sacrifice ou de renonciation. Chacun est libre de vivre ce qu'il veut, comme et quand il veut. Le partage n'est pas subi ou imposé par la vie de couple, il est entièrement VOULU. 

Chaque moment partagé est un moment voulu, ce qui est impossible dans le cadre d'un quotidien partagé. 

Et chaque instant partagé a ete envisagé, préparé, plutôt que d'arriver sans prévenir, de manière "obligatoire", car imposée par la situation, à un moment où peut-être l'un des deux avait besoin de souffler, de se recueillir dans sa bulle ou de faire un truc qui lui fait plaisir ou qui lui semble nécessaire à lui / elle seule. 

Je crois profondément que les couples qui se respectent vraiment sont capables d'être ensemble longtemps sans vivre ensemble de manière définitive (et ça n'empêche pas de passer quelques jours sous le même toit de temps à autre !). 

Je crois que deux individus ne peuvent s'épanouir à deux que s'ils sont aussi "un". 

Je crois que 1+1, ça doit faire 3 (= toi / moi / nous). 

Je crois que l'on est heureux à deux quand on parvient à ce "trois". 

Je pense aussi que celui qui insiste pour la vie de couple est, soit un être fragile qui cherche un réconfort quotidien plutôt que de partager des moments positifs, soit un être sujet à la pression sociale et à la norme  (le "il faut"), et qui ne s'autorise pas à être soi-même, à exister par et pour soi-même, AVEC l'autre (et non PAR ET POUR l'autre), à être différent, à penser autrement, ce qui revient au même. 

Parfois, deux êtres fragiles se retrouveront sur ces bases. Du coup, la vie de couple leur conviendra. Jusqu'au jour où l'un des deux aura grandi et sera prêt a prendre son envol.... Et là, on connaît la fin de l'histoire. 

Je vous laisse réagir ou m'envoyer vos témoignages. Je serai ravie de cet echange. 

A bientôt !!!